Marco Polo décrit un pont, pierre par pierre.
– Mais laquelle est la pierre qui soutient le pont ? demande Kublai Khan ?
– Le pont n’est pas soutenu par telle ou telle pierre, répond Marco, mais par la ligne de l’arc qu’à elles toutes elles forment.Kublai Khan reste silencieux, il réfléchit. Puis il ajoute :
– Pourquoi me parles-tu des pierres ? C’est l’arc seul qui m’intéresse.
Polo répond :
– Sans pierres il n’y a pas d’arcItalo Calvino, Les villes invisibles, Points Seuil, (1972, 1974) 1996, p.103
J’ai lu plusieurs fois Les villes invisibles : je me suis rendu compte que j’avais déjà coché deux fois ce passage dans mon édition de poche. Mais c’est en écoutant Kerttuli Saajoranta nous parler de sa vision et de sa pratique de l’enseignement des arts en Finlande avec beaucoup de sensibilité, en avril dernier à ETEN 2017 à Gotenburg, Suède, qu’il m’a semblé entendre ces mots pour la première fois.
Magie des paroles, lues, relues, mais qu’on ne saisit dans toutes leurs lumières qu’incarnées dans un récit, une voix, une personne, une force. Qui est aussi celle du groupe avec et autour, qui coopère, qui expérimente, qui créé un lieu, un environnement, un accueil où tout ce qui se fabrique, se lit, s’échange, nous lie. Alors le peuple ne manque plus.

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