“ The task of cinema or any other art form is not to translate hidden messages of the unconscious soul into art but to experiment with the effects contemporary technical devices have on nerves, minds, or souls.” Maya Deren (Eleanora Derenkovskaïa, 1917-1961)
La tâche du cinéma ou de tout autre forme d’art n’est pas de traduire des messages cachés dans notre inconscient en art mais d’expérimenter les effets qu’ont les objets techniques contemporains sur nos nerfs, nos esprits, ou nos âmes. Maya Deren (traduction personnelle)

Les films de Maya Deren ont cette qualité de regard, d’évidence, qu’ils nous font oublier la complexité de leur écriture. Qu’elle n’utilise parfois pas de son, ne nuit en rien à son propos. Ses images ne manquent de rien, elles nous « parlent » avec leur forme, leur agencement, leur rythme. Elles prennent tant en charge : le mouvement, le réel, les regards, les corps, les échanges, les situations, les symboles, l’espace et le temps, et le rêve…
Dans « Maya Deren’s Ashes« , il y a un gros plan (de 2,40″ à 3,25 »), sur l’oreille d’une femme, on entend des bruits, une respiration, on voit son oreille, si bien que de si près, elle en devient une forme, presque un corps recroquevillé sur lui même, en position fœtale, ses cheveux noirs autour, presque la toison d’un sexe féminin, une naissance ? On voit l’oreille entendre…
Elle ne fait pas porter aux images, un discours qu’elles ne peuvent soutenir. Elle dote ses images d’une puissance d’évocation qui se passe de mots, elle donne à ses images une autonomie, et atteint la complexité et la subtilité du langage parlé, écrit ou sonore.
Elle partage avec Jonas Mekas de se servir de sa caméra comme d’un stylo, d’un pinceau, avec lequel elle dessine, hachure, souligne, suspend, dans des « études », des « expérimentations », autant de formes où l’art s’invente et dans lesquelles l’aboutir – comme film au sens de l’industrie du film – serait réduire, emballer, ficeller, brider. Comme chez Stan Brakhage, qu’elle a aussi rencontré, ses films sont des tentatives, des explorations, des expérimentations. Non qu’elles ne parviennent au statut de film, mais elles le dépasse comme but. Lorsque l’expérimentation excède par ses qualités, le film en tant que finalité, pourquoi la rabattre, la réduire à lui ? « Etude de chorégraphie pour caméra » (1943, silencieux – la bande son a été après, par d’autres) dit à lui seul ce mouvement, cette exigence, cet idéal de la caméra qui s’invente, ici, chorégraphe et danseuse.
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